Deux légendes de la pop réunies sur une chanson, avouez que ça aurait eu de la gueule ! Cela peut sembler être une utopie, et pourtant… Saviez-vous que Michael Jackson avait invité Prince sur son album Bad ? Ce dernier n’avait pas fermé la porte à cette idée, laissant envisager une collaboration des plus attendues. Et pourtant, le projet ne vit jamais le jour. Aujourd’hui, retour sur cette histoire incroyable et les raisons de cet échec.
Prince en duo avec Michael Jackson : bad idea ?
Au milieu des années 80, Prince venait de rattraper son retard sur Michael Jackson grâce à son film « Purple Rain » et la BO qui l’accompagnait. Désormais, lui aussi était devenu une grande star internationale. Michael, quant à lui, travaillait sur son nouvel album, Bad, avec pour ambition de faire encore plus grand que « Thriller ». C’est pour cette raison que son producteur, Quincy Jones, lui suggère de faire un duo avec le Kid de Minneapolis. Son protégé acquiesce, il ne reste plus qu’à convaincre son rival. Un rendez-vous est fixé : ce sera au domicile de Jones !
« Quand ‘Bad’ a été conçu, je voulais faire un duo avec Prince. Ça aurait été vraiment génial, rien que pour le spectacle. Et avoir le clip avec lui, débarquant pour botter les fesses de Michael, ‘Ton c.. m’appartient’ (‘Your butt is mine’). C’est vraiment dans cet esprit que le titre a été écrit, pour faire ça. »
– Propos de Quincy Jones, producteur – Extrait audio inclut dans la réédition spéciale de l’album Bad, sorti en 2001
Prince et Jackson : une rencontre pour un solo
Une rencontre qui commence par des moments quelque peu amusants. Jackson et Prince appellent chacun leur tour Quincy pour savoir si son rival était arrivé, histoire de ne pas être dans la position de celui qui attend la venue de l’autre. Jones convainct son poulain de faire le premier pas, afin de débloquer cette situation des plus ubuesques.
Puis vient la discussion sur le projet d’un duo sur le single Bad. Deux énormes stars, se challengeant mutuellement, réunies dans une même pièce pour envisager une collaboration. Autant dire que chacun n’était pas disposé à faire des concessions artistiques. Prince a vite compris qu’il était en minorité face au duo Jackson/Jones. Et puis, il y a le premier couplet qui n’a pas été du goût de la star :
« [‘Ton c.. m’appartient’ (‘Your butt is mine’)] Qui va chanter ça à qui ? Parce qu’il est hors de question que tu me le dises ou que je te le dise ! .. Donc, là, nous avons un problème. »
– Propos de Prince – Interview de Chris Rock pour MTV – 1997
Bien entendu, Michael envisageait de dire cette phrase à Prince, et ce dernier l’a bien compris. Il refuse de faire le duo, mais propose à la place une de ses compositions, « Wouldn’t U Love to Love Me ». Michael Jackson décline l’offre. Qu’importe, l’auteur de « Purple Rain » offrira le titre à la chanteuse Taja Sevelle. Ce n’est pas la première fois que la star refuse un duo et propose une de ses chansons à la place. Il avait fait la même chose après avoir décliné l’invitation à participer à l’enregistrement de la chanson caritative « We Are The World ».
« J’étais présent pendant les rencontres entre Michael, Prince et Quincy… Personnellement, je crois qu’apres avoir rencontre Michael et Quincy, Prince avait compris qu’il ne pouvait pas gagner le duel avec Michael, d’un point de vue artistique ou d’un tout autre point de vue. Alors il s est retire du projet. Je crois aussi que Prince n’a pas accepté parce que la chanson n’était pas assez noire. Il est à porter au credit de Prince d’avoir compris que ça serait un grand hit. En partant, il s’est retourne et nous a dit: « Ça sera un gros tube, même si je ne suis pas dedans! » Une occasion manquée qui ne se représentera jamais… »
– Propos de Bruce Swedien, ingénieur du son sur l’album Bad – Livre « In Bruce Swedien, In the studio with Michael Jackson, Carl Leonard Editions – 2009
Bad : plusieurs versions de l’histoire
Au fil des années, plusieurs témoignages sont sortis ici et là, venant ajouter voire contredire certaines des déclarations des personnes principalement intéressées. Pour Wesley Snipes, qui joue le rôle du « mauvais gars » dans le clip Bad, c’est Michael Jackson qui a évincé Prince du clip après qu’il ait auditionné. Difficile pour autant de prendre au pied de la lettre ces propos ; l’acteur a probablement voulu ajouter un trait d’humour :
« Prince devait jouer le personnage principal du clip vidéo de Bad et Michael m’a vu et a ejecté Prince »
– Propos de Wesley Snipes – Emission Conan sur TBS
En 2016, Susannah Melvoin, choriste et fiancée de Prince dans les années 80, déclare dans une interview pour le podcast Love City que Prince n’en revenait pas que Jackson ait eu l’audace de se proclamer ‘I’m Bad’ ! Une image bien loin de celle qu’il avait de son rival. De plus, cela lui conférait la place du « dur à cuire », et ce, en sa présence. Hors de question pour le Kid de Minneapolis de lui faire ce cadeau.
« Quand Michael a créé « I’m Bad », il a envoyé cette chanson à Prince avant de la publier. Michael voulait que Prince la chante avec lui… Il n’en revenait pas que Michael ait l’audace de l’appeler « I’m Bad ». Pour lui, il n’y avait rien de « badass » chez Michael. Il ne pouvait pas laisser Michael faire ça.Non seulement il n’avait aucune intention de la chanter avec lui, mais il est entré en studio, l’a réenregistrée selon sa propre vision et l’a renvoyée à Michael en mode : « Non. Et d’ailleurs, c’est comme ça qu’elle devrait être. » C’était la fin de l’histoire. Mais c’était typique de Prince. »
– Propos de Susannah Melvoin – Podcast « Love City » avec Toure – Juillet 2016
Néanmoins, Susannah Melvoin est revenue sur ses propos quelques années plus tard, dans un tweet. Prince n’aurait finalement pas enregistré sa propre version de Bad et ne l’aurait donc pas envoyée à Michael :
Michael Jackson et Prince : clap de fin !
L’idée même de voir Prince et Michael Jackson faire un duo sur Bad avait des allures de rêve éveillé. Cependant, leurs egos et leurs visions artistiques, quelque peu opposées, ont fait que ce projet soit resté dans les tiroirs. Un épisode de plus qui contribuera certainement à alimenter la légende de ces deux icônes de la musique, parties bien trop tôt.
