Atomic Blonde

Sortie en 2017, Atomic Blonde est une adaptation cinématographique du roman « The Coldest City ». Dans cette grosse production hollywoodienne, Charelize Theron campe une espionne qui n’a rien à envier à Jason Bourne. Une intrigue qui nous plonge dans un univers ultra violent et haut en couleur, rythmé par une bande originale à tomber : London Calling, 99 Luftballons ou encore l’incontournable Blue Monday qui lance admirablement le film.

Bande annonce Atomic BlondeBlue Monday par Health

Le film s’appuie sur une reprise du groupe de rock américain Health, réalisée spécialement pour l’occasion. Une version qui a le mérite d’exister mais qui n’arrive pas à nous faire oublier l’originale de New Order.

Vidéo Blue Monday par Health

New Order est composé des anciens membres du groupe Joy Division (Love Will Tear Us Apart) qui se dissout après la mort tragique de leur chanteur charismatique, Ian Curtis. Pour leur premier album, la bande éprouve toutes les peines du monde à se détacher du style de leur ancien groupe. C’est alors qu’ils décident d’explorer d’autres univers, en particulier celui des clubs new-yorkais.

« En 1983, avant l’arrivée des ordinateurs, il n’était pas facile de faire des lignes de basse et des rythmes électroniques. Bernard Sumner [membre du groupe] a donc commencé à fabriquer des gadgets appelés séquenceurs. Ensuite, nous avons pensé qu’il serait bon de créer une chanson qui soit entièrement électronique. » – Propos de Gillian Gilbert, membre de New Order – The Guardian – Février 2013

New Order est en passe de se trouver un nouveau son, orienté électro. Ils fabriquent comme ils peuvent un séquenceur et achètent une boîte à rythmes. Et c’est en s’amusant sur une Face B de Donna Summer qu’il trouve le beat de Blue Monday :

« L’intro si caractéristique de Blue Monday a été écrite sur une boîte à rythmes DMX d’Oberheim. Nous étions allés dans des clubs à New York et nous voulions recréer les fantastiques sons de basse-batterie que nous avions entendus. Nous avons essayé de jouer quelque chose comme ‘Our Love’ de Donna Summer et nous avons obtenu ce bruit sourd immédiatement reconnaissable. » – Propos de Gillian Gilbert, membre de New Order – The Guardian – Février 2013

Le groupe se montre alors très enthousiaste, conscient de détenir là une petite pépite. Mais crac, patatra, voilà qu’ils effacent par erreur le beat qu’ils venaient de trouver.

« Personne ne me croit mais je vous promets que nous avions une version encore meilleure [de Blue Monday], plus funky, que nous avons accidentellement effacée. Enfin pas moi, le coupable c’est Monsieur Stephen Morris [membre du groupe]. » – Propos de Bernard Sumner , membre de New Order – Trax Magazine – Novembre 2015

Parfois une mésaventure peut s’avérer être de bonne augure. Ils tentent tant bien que mal de reproduire la ligne de percus qu’ils venaient de perdre, en repartant de zéro. Mais les différentes pannes électroniques, le matériel archaïque du studio et les erreurs humaines vont conduire à un son différent du précédent, mais pas n’importe lequel, celui de Blue Monday.

« La mélodie du synthétiseur est légèrement désynchronisée par rapport au rythme. C’était un accident. C’était mon travail de programmer toute la chanson du début à la fin, ce qui devait être fait manuellement, en entrant chaque note. J’ai fait écrire la séquence sur des tonnes de papier A4, que j’ai scotché le long du studio d’enregistrement, comme un énorme tricot. Mais j’ai accidentellement oublié une note, ce qui a faussé la mélodie. » – Propos de Gillian Gilbert, membre de New Order – The Guardian – Février 2013

Puis Bernard Sumner, le chanteur du groupe, pose des paroles « obscures », inspirées de sa lassitude à l’encontre des journalistes qui lui demandaient sans cesse ce qu’il ressentait. Pour finir, New Order va piquer quelques « trucs » ici et là comme un riff d’Ennio Morricone, une ligne de basse de « You Make Me Feel Mighty Real » de Sylvester, un sample de l’album « Radioactivity » de Kraftwerk, etc.

Vidéo Blue Monday de New Order

Au final, Blue Monday dure plus de sept minutes, ce qui conduit le groupe à le sortir en maxi 45 tours et non au format primé par les radios, le 45 tours. Et c’est dans les clubs new yorkais et londoniens que Blue Monday va s’imposer.

« Nous étions à l’avant-garde avec cette chanson – des musiques comme ça ne passaient pas à la radio ou dans les clubs. Il y avait de la musique électronique, mais pas beaucoup de danse électronique. Il y avait quelques personnes qui jouaient ce genre de musique dans des clubs à New York et à Londres, mais elle était jouée sur de vrais instruments. Il n’y avait rien qui soit aussi pur et électronique. Soudain, ce morceau est apparu et a sonné différemment de tout le reste, alors les DJ ont commencé à le jouer. Et ça a continué à revenir dans les charts. En fait, nous n’avons jamais eu de 45 tours de Blue Monday ; c’était un succès malgré qu’il ne passe pas en radio. Pour être sincère, il n’était disponible que sur maxi 45 tours, donc ils ne pouvaient pas le passer en radios puisqu’ils ne pouvaient diffuser qu’un morceau de trois minutes. C’est donc par l’intermédiaire des clubs qu’il est devenu un succès, puis qu’il l’est redevenu, encore et encore, au fur et à mesure de son voyage de pays en pays. » – Propos de Bernard Sumner, membre de New Order – NME – Janvier 2015

Avec Blue Monday et à Love Will Tear Us Apart, les membres de New Order / Joy Division ont signé deux chansons incontournables de la culture britannique.

« [Blue Monday] est devenu l’un des plus grands disques de Manchester. Nous avons eu beaucoup de chance d’écrire ‘Love Will Tear Us Apart’ en tant que Joy Division, qui était un titre incontournable à Manchester, puis « Blue Monday » avec New Order. Nous en avons eu un avec chaque groupe, fantastique ! » – Propos de Peter Hook, membre de New Order – NME – Janvier 2015

« Je pense que ‘Love Will Tear Us Apart’ a touché les gens grâce à son côté émotionnel, et au contraire je pense que ‘Blue Monday’ a marqué par son absence surprenante d’émotion. » – Propos de Bernard Sumner, membre de New Order – NME – Janvier 2015

Vous pouvez retrouver la chanson Blue Monday sur la bande originale (BO) du film Atomic Blonde

Anecdote(s) :

  • Blue Monday est le maxi 45 tours le plus vendu de tous les temps.
  • A l’origine, le groupe voulait que Blue Monday soit un titre conceptuel, 100% « robotisé ». Mais les moyens limités du studio ont freiné leur ambition :

    « L’idée était que nous puissions monter sur scène et le passer sans jouer nous-mêmes des instruments. Nous avons passé des jours à essayer d’obtenir une voix de robot pour chanter ‘How does it feel’, mais quelqu’un a effacé la piste. Bernard [Sumner] a fini par la chanter. » – Propos de Gillian Gilbert, membre de New Order – The Guardian – Février 2013

  • L’idée d’une musique électronique stimule la créativité de Peter Saville, le concepteur de la pochette du maxi 45 tours. Il s’inspire de l’apparence d’une disquette pour réaliser le visuel, en plusieurs couches, avec des petites formes de couleurs sur le côté, qui représentaient un code. La clé de décryptage du maxi se trouvait sur la pochette arrière de l’album « Power, Corruption And Lies » (deuxième disque studio de New Order).

    « Ils m’ont joué ‘Blue Monday’, et j’ai compris instinctivement ce qu’ils essayaient de faire. Cela ressemblait à quelque chose que la machine pouvait jouer toute seule. (…) J’ai pris cet objet intéressant qui se trouvait là et j’ai demandé : ‘Wow, qu’est-ce que c’est ?’ Je n’avais jamais vu de disquette auparavant. (…) Quand je suis rentré chez moi, je savais que la pochette reproduirait une disquette, avec trois trous découpés à travers lesquels on pouvait voir la partie intérieure métallique. Les seules informations qu’on me demandait de mentionner étaient ‘New Order’, les titres des chansons (y compris la face B de The Beach) et la référence d’usine de Factory Records. J’ai décidé de les faire apparaître sous la forme d’une colonne de couleurs codées. (…) Quand ‘Power, Corruption and Lies’ est sorti, j’ai mis une roue de couleurs au dos pour déchiffrer le code » – Propos de Peter Saville, designer de la pochette Blue Monday – The Guardian – Février 2013

  • Ce sont deux français qui révélèrent aux lecteurs du journal NME, magazine musical britannique, la signification du code secret des pochettes. Cliquez ici pour lire leur récit passionnant →
  • Le coût de fabrication de la pochette du maxi 45 tours était si élevé, que le label Factory Records perdait de l’argent à chaque disque écoulé. Par la suite, le format changea pour une version plus classique, et donc moins chère.
  • Comme de nombreuses chansons de New Order, le titre de la chanson n’est pas mentionné dans les paroles.
  • Difficile de connaître la source d’inspiration du titre. Pour Peter Hook (bassiste de New Order), il est à la fois une référence à une chanson de Fats Domino et à l’un de ces lundis où le groupe broyait du noir (« Blue Monday » est une formule qui renvoie à l’expression anglaise «to feel blue») :

    « Je lisais un article sur Fats Domino. Il avait une chanson qui s’appelait ‘Blue Monday’ et c’était un lundi et nous étions tous malheureux alors je me suis dit : ‘Oh, c’est tout à fait approprié’. » – Propos de Peter Hook, membre de New Order – The Guardian – Février 2006

  • Pour Gillian Gilbert, autre membre de New Order, le titre est tiré d’une illustration du livre de « Kurt Vonnegut, « Breakfas Of Champions » :

    « Les gens ont interprété le titre de toutes sortes de façons. Il est en fait tiré d’un livre que Stephen [Morris, autre membre du groupe] lisait, ‘Breakfast of Champions’ de Kurt Vonnegut. L’une de ses illustrations avait pour légende ‘Goodbye Blue Monday’. C’est une référence à l’invention de la machine à laver, qui a amélioré la vie des femmes au foyer. » – Propos de Gillian Gilbert, membre de New Order – The Guardian – Février 2013

  • En 1983, les New Order refusent de « présenter » leur chanson en playback dans l’émission britannique « Top of the Pops ». Bien mal leur en a pris, leur prestation live tourne au désastre (problèmes techniques), ce qui va ralentir l’ascension de Blue Monday dans les charts UK :
  • A l’inverse des autres pays, Blue Monday est un flop en France.
  • Blue Monday fait l’objet de plusieurs remixes : en 88 avec « Blue Monday 1988 » produit par Quincy Jones et en 95 avec « Blue Monday-95 », produit cette fois-ci par le groupe.

La musique du film Atomic Blonde est Blue Monday, par Health