John Lennon et Paul McCartney

Au début des années 70, les Beatles ont décidé de se séparer, après des tensions croissantes au sein du groupe. Une lettre de John adressée à Paul et sa femme Linda met en lumière les “couacs” entre les deux anciens compères. Pour bien comprendre cette lettre, il faut savoir que Paul a connu une période de dépression après la séparation du groupe. Il s’était réfugié dans l’alcool et la marijuana, et restait cloîtré dans sa chambre. Il retrouvera l’envie d’écrire grâce à sa femme Linda, et formeront le groupe des Wings.


Chers Linda et Paul,

Je lisais votre lettre en me demandant quel genre de fan farfelu avait pu l’écrire. Et j’ai résisté à l’envie de jeter un œil à la signature pour le découvrir. Est-ce Queenie ? La mère de Stuart ? La femme de Clive Einstein ? Alan Williams ? Bordel, c’est Linda !

Croyez-vous vraiment que la presse en a quelque chose à faire de nous ? Vous le pensez vraiment ? Qui croyez-vous que nous sommes, vous et moi ? La partie de ta lettre sur « Notre ami désintéressé qui ne s’aperçoit pas du mal qu’il provoque », j’espère que tu te rends compte de la merde dans laquelle toi et mes autres amis “gentils et plein de compassion”, vous nous avez mis, Yoko et moi, depuis que nous sommes ensemble.

Certains passages sont plus subtils ou devrais-je dire « adressés à la classe moyenne », mais ils sont plus rare. A plusieurs reprises, nous avons été « au-dessus de tout ça », et nous vous avons pardonné à tous les deux. Alors, c’est la moindre des choses que vous nous pardonniez à votre tour, ô nobles gens. Linda – si tu te fiches de ce que je dis, ferme-la ! Laisse donc Paul écrire, ou quelqu’un d’autre.

Quand on m’a interrogé sur les MBE (la Légion d’honneur britannique), je leur ai répondu tant bien que mal, d’après mes souvenirs. Et je me rappelle vraiment avoir eu un peu honte à l’époque – pas toi Paul ? Ou bien, comme je le crains, tu y crois encore ? Je n’en voudrai plus à Paul d’encourager les Beatles, s’il me pardonne d’avoir fait la même chose et d’avoir été « honnête avec moi et s’en être soucié plus que de raison » ! Bordel, Linda, tu n’écris pas un livre sur les Beatles !!

Je n’ai pas honte des Beatles (c’est quand même moi qui ai lancé le groupe), mais j’ai honte de toute la merde que nous avons enduré pour en faire un tel phénomène. Je pensais qu’on ressentait tous la même chose, à des degrés différents, mais visiblement non.

Tu penses vraiment que la majorité de l’art actuel est apparue grâce aux Beatles ? Je ne pense pas que tu sois fou à ce point – Paul – tu crois vraiment à ces conneries ? Quand tu cesseras d’y croire, tu te réveilleras peut-être ! Est-ce qu’on ne s’est pas toujours dit qu’on faisait partie de la mouvance et non qu’on l’incarnait ? Bien sûr que nous avons changé le monde, mais il serait temps d’essayer d’aller jusqu’au bout de la démarche. DESCENDS UN PEU DE TON NUAGE DORÉ !

Ne me fais pas ton numéro de vieux con avec ton sempiternel « dans cinq ans tu verras les choses différemment » – ne vois-tu pas que c’est déjà le cas ? – Si j’avais su à l’EPOQUE ce que je sais MAINTENANT – on dirait que ça t’échappe…

Excuse-moi de me servir des Beatles pour dire ce que je pense – forcément, s’ils me posent des questions sur le groupe, j’y répondrai, et j’obtiendrai autant « d’espace » pour John et Yoko que je peux en avoir. S’ils me posent des questions sur Paul, je leur réponds. Je sais que certaines questions peuvent être personnelles, mais crois-le ou pas, j’essaie d’y répondre sincèrement : les réponses qu’ils retiennent sont toujours les plus croustillantes. Je n’ai rien contre ton mari, je suis désolé pour lui. Je sais que les Beatles sont « des gens sympas », j’en fais partie, mais ce sont aussi des enfoirés comme tous les autres, alors ne prends pas tes grands airs avec moi ! D’ailleurs, nous nous sommes tous plus émancipés en un an dans nos activités respectives que dans toute la période Beatles.

Enfin, sur le fait de ne rien dire sur mon départ des Beatles – PAUL et Klein (manager du groupe) ont tous les deux passé une journée entière à me convaincre que c’était mieux de ne rien dire, parce que « ça ferait du tort aux Beatles » – et qu’il fallait « laisser les choses se faire », ça te revient ? Alors enfonce-toi ça dans ton minable petit esprit pervers, madame McCartney, ces enfoirés m’ont demandé de me taire sur mon départ. Bien sûr que la question de l’argent est importante, pour nous tous d’ailleurs, particulièrement après tout le merdier minable provoqué par ta famille et ta belle-famille de cinglés. Et QUE DIEU TE VIENNE EN AIDE, PAUL. D’ici deux ans, je suis sûr que tu seras sorti.

Malgré tout ça,

Je vous aime tous les deux.

De notre part à tous les deux.

PS : Comment peux-tu encore n’adresser ta lettre qu’à moi seul… !!!

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lettre de John Lennon à Paul McCartneyLettre de John Lennon à Paul McCartney

lettre de John Lennon à Paul McCartney (suite)Lettre de John Lennon à Paul McCartney (suite)

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